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Le mariage, c'est canon.

Le mariage, c'est canon.

Publié par Incarnare le vendredi 07/06/2013 - 21:27 - Mariage - Blog

Beaucoup considèrent que l'Eglise n'est pas légitime à s'exprimer sur le mariage civil. Si certains fondent cette position sur une laïcité "dure",  d'autres ne font que rendre compte du contraste entre un mépris - voire une hostilité - q'ils perçoivent1 habituellement dans le regard de l'Eglise sur le mariage civil et l'intérêt subit qu'elle lui aurait accordé ces derniers mois.

Pour dépasser ce paradoxe apparent, il va nous falloir creuser un peu plus ce qu'est le mariage civil religieux tout court, et la vision qu'en a l'Eglise. On pourrait aborder la question sous l'angle théologique ou anthropologique, et en commenter les fruits et la dynamique interne. Ceux qui s'y sont essayés ont produit des choses intéressantes, mais nous souhaitons répondre ici à une question très pratique : qu'est-ce qui constitue un mariage ?

Cette question, l'Eglise se la pose concrètement lorsqu'elle doit discerner si des personnes qui souhaitent se marier l'ont déjà été ou non. Cette question est plus qu'adminstrative, c'est une question de justice : c'est ainsi que la réponse se trouve dans le code de droit canonique. Je voudrais tenter2 ici de vous en donner un aperçu. 
 

Propos liminaires

Pour bien comprendre ce qui suit, il faut :

  1. vous ôter de l'esprit une bonne fois pour toutes l'idée selon laquelle il y aurait deux mariages : l'un civil, l'autre religieux. C'est faux et archi-faux. Soit on est marié, soit on ne l'est pas, c'est aussi simple que cela. Il y a une célébration civile du mariage ou3 une célébration religieuse du mariage. Mais c'est du même mariage qu'il s'agit. Ne pas confondre le mariage avec son mode de célébration.

    L'expression «mariage religieux» ou «mariage chrétien» est ainsi malheureuse, car elle laisse entendre qu'il existerait un «mariage païen» ou «mariage laïc» de nature distincte, un «mariage à l'église» différent du «mariage à la mairie».
     
  2. voir que ce mariage est naturel, c'est-à-dire qu'il appartient d'abord à l'ordre de la création : c'est-à-dire qu'il est profondément conforme à la nature de l'homme et de la femme, et qu'il n'est point besoin de croire en un quelconque surnaturel pour se marier et vivre pleinement un mariage.

    Il est conforme à la volonté du Créateur : du seul fait de se marier (pleinement) humainement, les époux (même non croyants) accomplissent leur vocation.
    `
  3. comprendre que, pour deux baptisés (dans la mort et la résurrection du Christ), ce mariage naturel prend une dimension sacramentelle : c'est-à-dire que leur mariage devient pour les époux signe du don qui unit le Christ à l'Eglise, un don total de soi, un parfait renoncement à soi-même pour l'autre, et de la rédemption qu'engendre ce don. 

    De manière pratique, retenons seulement qu'un mariage sacramentel est un mariage (naturel) entre deux baptisés. Et que la qualité sacramentelle du mariage n'a rien à voir avec la manière dont il a été conclu.Ainsi, un évangélique et une luthérienne ont beau n'avoir jamais vu de prêtre catholique de leur vie ; peut-être même ne croient-ils pas en la sacramentalité du mariage. Qu'importe : s'ils sont mariés, en tant que baptisés, leur mariage est sacramentel. 

    On entend parfois également certains dire d'un couple où l'une des parties est baptisé, l'autre non, que le mariage est "sacramentel pour elle et non pour lui". Cela n'a, à mon sens, strictement aucun sens.
     

Petite parenthèse : Jean-Paul II établit un pont entre 2. et 3. en parlant du mariage comme sacrement de la création, la rédemption (à laquelle renvoie la sacramentalité du mariage) n'étant finalement que le plein déploiement des promesses déjà contenues dans la création. 

Vous comprenez maintenant pourquoi l'Eglise s'intéresse au mariage.. même contracté civilement. 

 

Cet étrange objet qu'est le mariage

Le mariage a quelque chose d'un contrat, car un aspect essentiel tient au consentement des personnes : c'est un acte vraiment humain (dans lequel la personne s'engage avec tout ce qui fait son humanité. Mais c'est aussi une institution : les termes du contrat sont prédéfinis (par le Créateur). Enfin, il s’agit de créer une profonde alliance, une alliance spirituelle entre les époux, image de l’alliance de Dieu et des hommes : 

Gaudium et Spes, 48 : La communauté profonde de vie et d'amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur; elle est établie sur l'alliance des conjoints, c'est-à-dire sur leur consentement personnel irrévocable. Une institution que la loi divine confirme, naît ainsi, au regard même de la société, de l'acte humain par lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuellement. En vue du bien des époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré échappe à la fantaisie de l'homme. Car Dieu lui-même est l'auteur du mariage qui possède en propre des valeurs et des fins diverses (1): tout cela est d'une extrême importance pour la continuité du genre humain, pour le progrès personnel et le sort éternel de chacun des membres de la famille, pour la dignité, la stabilité, la paix et la prospérité de la famille et de la société humaine tout entière. Et c'est par sa nature même que l'institution du mariage et l'amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l'éducation qui, tel un sommet, en constituent le couronnement. Ainsi l'homme et la femme qui, par l'alliance conjugale " ne sont plus deux, mais une seule chair " (Mt. 19, 6), s'aident et se soutiennent mutuellement par l'union intime de leurs personnes et de leurs activités; ils prennent ainsi conscience de leur unité et l'approfondissent sans cesse davantage. Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l'entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité

Le droit canonique le décrit ainsi : 

Canon 1055

§ 1. L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonné par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement.

§ 2. C’est pourquoi, entre baptisés, il ne peut exister de contrat matrimonial valide qui ne soit, par le fait même, un sacrement.

 

Le mariage (qui, faut-il le rappeler, unit un homme et une femme) a quelques éléments essentiels (qui existent même pour un mariage naturel) : 

  • L'Unicité : c'est l'intention de se donner à l'autre de manière exclusive (ie. la fidélité)
  • L'Indissolubilité : c'est l'intention de durer toute la vie (ie. faire une alliance  
  • L'ouverture à la fécondité

 

Comment conclut-on un mariage ? 

Voici ce qu'en dit le droit canonique : 

 
Canon 1057

§ 1. C’est le consentement des parties légitimement manifesté entre personnes juridiquement capables qui fait le mariage; ce consentement ne peut être suppléé par aucune puissance humaine.

§ 2. Le consentement matrimonial est l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable pour constituer le mariage.


Il faut donc trois éléments pour faire un mariage : 

  • le consentement des parties4 
  • que ce consentement soit légitimement manifesté
  • que les personnes en soient juridiquement capables


Pour évaluer canoniquement un mariage, on vérifiera donc5 :

  • Que le consentement a été légitimement manifesté (par ex. devant témoins ou encore à l'église catholique si l'une des deux parties au moins est catholique)6
  • La capacité juridique des parties à contracter (le droit canonique liste 12 empêchements dirimants, par ex. le fait d'être frère et soeur7
  • Que rien n'a vicié le consentement (le droit canonique liste 10 vices du consentement, par ex. mariage choisi pour échapper à une violence) 8

 

Vous avez maintenant les principaux éléments concernant le point de vue juridique de l'Eglise sur le mariage. Le mariage étant une institution naturelle (qui existe avant les Etats ou les régimes politiques), cette réalité n'est pas malléable à loisir au gré des envies du législateur (celui-ci gardant toutefois toute liberté pour créer les constructions juridiques qu'il souhaite et leur donner des effets civils). Les médiatisés montpellierains ont sans doute conclu un contrat civil ; ils l'ont sans doute fait en parodiant le cérémonial d'un mariage, cela n'en fait pas pour autant un mariage.

Si cela intéresse les lecteurs (manifestez-vous en commentaire), je détaillerai dans un prochain billet les empêchements dirimants et vices du consentement et aborderai quelques cas concrets. 

  • 1. encouragés en cela par l'attitude et les paroles pas forcément justes de nombre de catholiques...
  • 2. en priant les canonistes patentés (Poke @PereCedric) de chasser les erreurs dans ce qui suit
  • 3. je vais expliquer ce "ou" plus loin
  • 4. 1. bis (à conclure entre eux une alliance qui a les caractéristiques essentielles du mariage)
  • 5. du plus simple au plus complexe à prouver
  • 6. cf. canon 1104-1108
  • 7. cf. canon 1083-1094
  • 8. cf. canon 1104-1108

 
 

 

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La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).