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L'homme appelé au don

L'homme appelé au don

Publié par Incarnare le lundi 24/08/2009 - 00:41

La création n'est pas que l'irruption de l'existence dans le néant : "elle est don de Dieu, un don fondamental et radical"1. Le corps est le témoin de ce don2 :

 C'est ce qu'est le corps : un témoin du don fondamental qu'est la création, et ainsi un témoin de l'Amour qui en est à l'origine. La masculinité et la féminité, c'est à dire la sexualité, est le signe originel de don créatif [de Dieu]. C'est dans ce sens que la sexualité entre dans la Théologie du Corps.

Les mots de Gn 2,24 prennent maintenant tout leur sens : "A cause de cela, [pour récapituler le don de Dieu] l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un.". L'homme seul (solitude originelle) aspire à découvrir une aide - non pas une aide ménagère, mais une personne avec qui entrer dans une relation de don mutuel - (unité originelle) qui l'accueillera dans la vérité de sa personne (nudité originelle).

Le corps est sponsal (ou conjugal), dit Jean-Paul II , c'est à dire qu'il a "la capacité d'exprimer l'amour, et précisément cet amour par lequel la personne humaine devient don et ainsi accomplit la vocation propre de leur existence"34.

 

La liberté du don

Si l'homme et la femme sont créés pour eux-mêmes, ils ne peuvent être possédés par quiconque. Ils sont "incommunicables". Comment alors peuvent-ils se donner l'un à l'autre sans violer leur dignité ? La réponse réside dans la liberté du don : Adam n'est pas soumis à un désir semblable à l'instinct animal et la nudité d'Ève n'inspire en lui que le désire de se donner sincèrement à elle.

Choisir Ève librement est très différent de subir une attirance instinctive vers une nudité générique. De plus, en reconnaissant en elle une personne créée pour elle-même, Adam ne peut se l'approprier mais doit avoir confiance qu'elle choisira librement de répondre au don qu'il a initié.

La liberté se rapproche ici de la maîtrise de soi, affirme Jean Paul II5. Cependant cette maîtrise de soi ne doit pas être comprise comme la répression de désirs désordonnés : cette vision est celle qui résulte du péché. Au commencement, l'homme et la femme faisaient l'expérience de la sexualité telle que voulue par Dieu, ils n'avaient donc pas de désir désordonné à réprimer.

C'est pour cette liberté originelle que le Christ nous a rendu libres6.

 

Créés pour nous-même, appelés à vivre pour autrui

Nous l'avons abondamment rappelé, suivant en cela le concile Vatican II7 : l'homme est la seule créature que Dieu a voulue pour elle-même. C'est d'ailleurs un point de convergence avec les humanistes athées.

Cependant, ceux-ci en déduisent qu'il peut ainsi vivre pour lui-même. Dans cette perspective du "chacun-pour-soi-et-Dieu-pour-tous", l'autre est au mieux un moyen, et au pire un obstacle, à la réalisation de la personne.

Quand l'Église dit que chacun est créé pour lui-même, cela signifie qu'aucune personne ne peut être traitée comme un moyen, quelle que soit la fin poursuivie.8 Refuser à l'autre la liberté du don, c'est nier la réalité du don de Dieu en lui/elle ; c'est aussi refuser de vivre soi-même l'éthique du don. La négation du don de Dieu est le coeur du péché originel.

Le don de soi à l'autre est l'unique chemin vers la vie : Qui donne sa vie à cause de moi [pour vivre le don tel que je l'ai proclamé] la sauvera9.

 

La signification du Corps, l'affirmation de la Personne

Voici ce qui dit l'union sexuelle, dans le plan de Dieu : "Je me donne totalement à toi, avec tout ce que je suis, sans réserve aucune. Sincèrement. Librement. Pour toujours. Et je reçois le don de ta personne. Je te bénis. J'affirme la beauté de qui tu es. De tout ce que tu es, sans réserve aucune. Pour toujours."

Seule une union qui parle ce langage permet à l'autre de ressentir la fidélité de Dieu, le fait d'être choisi(e) par l'Amour éternel. Une union sexuelle qui ne dit pas ces mots ne correspond pas à la vocation du corps et ne respecte pas la dignité de la personne : elle ne comblera pas les désirs de nos coeurs. Ce n'est alors qu'une contrefaçon de l'amour.

 

Le don de la Grâce

La grâce est le don de Dieu à l'homme, le don de l'esprit insufflé dans la poussière. C'est, nous dit Jean-Paul II10, la "participation à la vie intime de Dieu lui-même, à sa sainteté. [C'est] ce don mystérieux posé au plus profond de l'être humain qui permet à l'homme et la femme de vivre une relation de don désinteressé".

Cela va sans dire (mais mieux en le disant) : le don "désintéressé" ne signifie pas que l'homme et la femme manquaient d'intérêt l'un pour l'autre. Ils l'étaient intensément, mais pas de façon égoïste. L'Amour de Dieu qui les remplit leur permet d'aimer tel que Dieu les aime. C'est une expérience de béatitude

Nous pouvons avoir des réticences à imaginer cette béatitude, de peur qu'elle soit hors d'atteinte : pourquoi s'encombrer de faux espoirs ? N'est-il pas plus réaliste de se satisfaire de notre condition de pécheur et de "faire avec" ?

L'innocence originelle a été donnée de manière irrévocable par Dieu lors de la création ; lorsque les temps seront accomplis, le Christ rendra témoignage à l'Amour inaliénable du Père. La Bible n'a de cesse de proclamer que Dieu essuiera toute larme de leurs yeux11 et que là où le péché s'était multiplié, la grâce a surabondé ?12

Si Évangile signifie "bonne nouvelle" ce n'est pas pour rien !

 

La pureté du coeur, le don, et la réception du don

Jean-Paul II achève sa catéchèse du 30 janvier 1980 (TDC 16) en déclarant que l'innocence originelle peut être comprise comme la "pureté du coeur, qui préserve une fidélité intérieure au don, en accord avec la signification nuptiale de la corporéité."

Cette pureté est menacée - et la honte, bouclier naturel, naît - lorsque la personne est confrontée à l'extorsion du don, dès que nous ne sommes pas reconnus pleinement et pour toujours comme personnes. Le don et l'acceptation du don est total et irréversible.

On le voit : le don de soi et sa réception par l'autre sont des réalités profondément liées. Cette observation nous conduit à évoquer la complémentarité des sexes. La nature différenciée de la dynamique sexuelle - notamment la relative rapidité de la montée du désir masculin par rapport au désir féminin - suggère que l'homme est plus disposé à initier le don et la femme à accueillir ce don. Cependant, l'initation du don n'est pas exclusivement masculine, et la réceptivité exclusivement féminine. Les deux s'éclairent mutuellement : en se donnant l'homme reçoit et en recevant la femme se donne.

La disposition fondamentale est la réception du don de Dieu : c'est seulement en recevant sa femme comme don de Dieu que l'homme peut vraiment se donner à elle. Jean-Paul II développe :

 Il semble que le second récit de la création assigne à l'homme dès le commencement le rôle de celui qui reçoit le don [de Dieu] : "dès le commencement", la femme est confiée à ses yeux, à sa conscience, à sa sensibilité, à son coeur. Il lui incombe d'assurer cet échange du don et de sa réception.

Ethos et éthique

Dans sa catéchèse du 13 février 1980 (TDC 18), Jean-Paul II développe ce qu'il a jusque là esquissé : le lien entre la morale (éthique) et le désir profond (ethos) de l'homme. 

Il est en effet conscient que l'enseignement moral de l'Église (notamment sur la sexualité) peut sembler abstrait à l'homme moderne. Les gens ne pensent en effet pas le monde de manière objective, métaphysique, mais à travers leur propre expérience. Jean-Paul II veut montrer que l'enseignement de l'Eglise correspond au désir profond du coeur humain.

L'homme et la femme sont entrés dans le monde avec une connaissance complète de la signification conjugale de leur corps : ils n'avaient pas besoin d'une norme objective qui leur dise comment vivre. Remplis de la grâce lors de leur création, il ne désiraient rien d'autre ! C'est l'expérience de l'ethos.

Trompé par un mensonge, le coeur de l'homme est séparé du sens de son corps et son désir immédiat ne correspond plus à ce qu'il perçoit à terme comme bon. Ne sachant plus qui il est, il ne sait plus ce qu'il est appelé à vivre. On voit que retrouver le sens du corps et de la sexualité n'est pas anodin ! La morale, ou éthique, en reconstruisant a posteriori l'expérience de l'homme originel, permet de retrouver cet ethos : l'éthique trouve sa source dans l'anthropologie, elle n'est pas un ensemble de règles arbitraires !!!

Cependant, nous ne ressentons l'éthique positivement que si elle ne nous est pas imposée : Dieu nous a voulus libres et respecte cette liberté, refusant de faire de nous des pions - au prix de l'existence du péché. Il a soif que nous souhations de nous-mêmes participer à son plan.

 

Créés pour le Christ de toute éternité

Quand notre coeur est pur, la subjectivité rejoint complètement l'objectivité : Amour et Vérité se rencontrent.... Lorsque notre coeur est pur, l'union des corps constitue un sacrement primordial13, un signe qui fait surgir dans le monde visible la réalité du mystère invisible caché en Dieu de toute éternité.

Cette rencontre de l'Amour et la Vérité, réalisée pleinement dans le Christ, est la vocation de l'homme dès le commencement : nous avons été choisis dans le Christ avant la création du monde, dit Saint Paul14

Le Christ n'est pas un ajout au plan de Dieu, une fois l'homme pécheur... c'est pour Lui que nous sommes créés dès l'origine. Quand il nous sauve, deux opérations distinctes s'opèrent : il nous éloigne du péché et nous ramène dans la participation à la vie divine.

  • 1. TDC 13,3
  • 2. TDC 14,4
  • 3. TDC 15,1
  • 4. CEC 2331 : Dieu est amour. Il vit en lui-même un mystère de communion et d’amour. En créant l’humanité de l’homme et de la femme à son image ... Dieu inscrit en elle la vocation, et donc la capacité et la responsabilité correspondantes, à l’amour et à la communion
  • 5. TDC 15,2
  • 6. Ga 5,1 : Frères, si le Christ nous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres. Alors tenez bon, et ne reprenez pas les chaînes de votre ancien esclavage.
  • 7. cf. Gaudium et Spes, 24
  • 8. Les recherches sur l'embryon sont une violation évidente de ce principe.
  • 9. cf. Mc 8,35
  • 10. TDC 16,3
  • 11. Ap 7,17
  • 12. Rm 5,20
  • 13. TDC 19,4
  • 14. aux éphésiens, cf. Ep 1,4

 
 

 

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Car tous ont péché...

La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).