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TDC 084 - Dans la virginité ou le mariage concourir à la gloire de Dieu

TDC 084 - Dans la virginité ou le mariage concourir à la gloire de Dieu

Publié par Incarnare le dimanche 06/09/2009 - 23:15

1. Durant la rencontre de mercredi dernier nous avons cherché à approfondir les arguments dont saint Paul se sert dans sa première épître aux Corinthiens pour convaincre ses destinataires que celui qui choisit le mariage fait bien et que, par contre, celui qui choisit la virginité, c'est-à-dire la continence selon l'esprit du conseil évangélique, fait mieux 1Co 7,38. Poursuivant aujourd'hui cette méditation, nous rappellerons que, suivant saint Paul, "l'homme qui n'est pas marié se préoccupe ... des moyens de plaire au Seigneur" 1Co 7,32.
Ce "plaire au Seigneur" a l'amour comme toile de fond. Cela nous est révélé par une ultime confrontation: qui n'est pas marié se préoccupe des moyens de plaire à Dieu, alors que l'homme marié doit avoir également le souci de plaire à sa femme. Ici apparaît, en un certain sens, le caractère conjugal de la continence pour le Royaume de Dieu. L'homme s'efforce toujours de plaire à la personne aimée. Ce "plaire à Dieu" ne manque donc pas de ce caractère qui distingue la relation interpersonnelle des époux. D'une part il est un effort de l'homme qui tend vers Dieu et cherche le moyen de lui plaire, c'est-à-dire d'exprimer activement son amour; d'autre part, à cette aspiration correspond une approbation de Dieu qui, agréant les efforts de l'homme, couronne son oeuvre en lui donnant une grâce nouvelle: en effet, dès le début, cette aspiration a été un don de Dieu. Se préoccuper des moyens de plaire à Dieu est donc une contribution de l'homme au continuel dialogue de salut commencé par Dieu. Il est évident que tout chrétien qui vit de la foi y prend part.

2. Paul note toutefois que l'homme lié par les liens du mariage "se trouve partagé" 1Co 7,34. Il résulte de cette constatation que la personne non mariée devrait se caractériser par une intégration intérieure, une unification, qui lui permettrait de se consacrer entièrement au service du Royaume de Dieu dans toutes ses dimensions. Cette attitude suppose l'abstention du mariage, voulue exclusivement pour le Royaume de Dieu, et une vie orientée uniquement vers ce but. D'une manière différente, le partage peut entrer également dans la vie du célibataire qui, privé d'une part de la vie conjugale et d'autre part d'un but bien défini pour lequel il devrait y renoncer, pourrait se trouver devant un certain vide.

3. L'Apôtre semble être parfaitement conscient de tout cela et il a soin de spécifier qu'il entend, non pas tendre un piège à celui auquel il conseille de ne pas se marier, mais le "porter à ce qui est digne et qui attache sans partage au Seigneur" 1Co 7,35. Ces paroles font venir à l'esprit celles que, selon l'évangile de Luc, le Christ adressa à ses apôtres au cours de la dernière Cène: "Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves (littéralement: dans les tentations); et moi je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi" Lc 22,28-29. Celui qui n'est pas marié, étant uni au Seigneur, peut être certain que ses difficultés trouveront compréhension: "Car nous n'avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d'une manière semblable, à l'exception du péché" He 4,15 Ce qui permet à la personne non mariée, non pas tant de se plonger exclusivement dans ses éventuels problèmes personnels, mais plutôt de les inclure dans le grand courant des souffrances du Christ et de son Corps qui est l'Eglise.

4. L'apôtre indique de quelle manière on peut être uni au Seigneur: demeurer sans cesse avec Lui, jouir de sa présence (eupâredron), sans se laisser distraire par des choses non essentielles (aperispastôs) 1Co 7,35.
Paul précise encore plus clairement cette pensée quand il parle de la situation de la femme mariée et de celle de la femme qui a opté pour la virginité ou qui n'a plus de mari. Alors que la femme mariée doit chercher "les moyens de plaire à son mari", la femme sans mari "a souci des affaires du Seigneur; elle cherche à être sainte de corps et d'esprit" 1Co 7,34.

5. Pour saisir plus parfaitement toute la profondeur de la pensée de Paul, il importe de savoir que, selon la conception biblique, la sainteté est moins une action qu'un état; elle a surtout un caractère ontologique, puis également moral. Dans l'Ancien Testament on trouve souvent un éloignement de ce qui n'est pas sujet à l'influence de Dieu, de ce qui est le pro-fanum, pour appartenir exclusivement à Dieu. La sainteté du corps et de l'esprit signifie donc également le caractère sacré de la virginité ou du célibat, acceptés pour le Royaume de Dieu. Et en même temps, ce qui est offert à Dieu doit se caractériser par la pureté morale et suppose donc un comportement "sans tache ni ride" mais "saint et immaculé" selon le modèle virginal que l'Eglise présente au Christ Ep 5,27.
Dans ce chapitre de l'épître aux Corinthiens, l'apôtre touche les problèmes du mariage et du célibat (ou de la virginité) de manière profondément humaine et réaliste, se rendant compte de la mentalité de ses destinataires. Dans une certaine mesure, les arguments de Paul sont des arguments ad hominem. Le monde nouveau, le nouvel ordre des valeurs qu'il annonce doivent, dans le milieu de ses lecteurs de Corinthe, se rencontrer avec un autre monde, un autre ordre de valeurs, différent également de celui où les paroles prononcées par le Christ avaient été entendues pour la première fois.

6. Si, avec sa doctrine concernant le mariage et la continence, saint Paul se réfère également à la caducité du monde et de la vie humaine dans ce monde, il le fait certainement en se référant au milieu qui, en un certain sens, était orienté pour jouir du monde. Et combien est significatif, de ce point de vue, son appel "à ceux qui jouissent du monde", pour qu'ils fassent "comme s'ils n'en jouissaient pas véritablement" 1Co 7,31. Du contexte immédiat il résulte que, dans ce milieu même, le mariage était compris comme une manière de jouir du monde - contrairement à ce qu'il avait été tout au long de la tradition israélite (malgré quelques déviations que Jésus a indiquées dans son entretien avec les pharisiens ou dans le Sermon sur la montagne). Il est évident que tout cela explique le style de la réponse de Paul. L'apôtre se rendait bien compte que, s'il encourageait à s'abstenir du mariage, il devait en même temps mettre en lumière une manière de comprendre le mariage qui soit conforme à tout l'ordre évangélique des valeurs. Et il devait le faire avec le plus grand réalisme, c'est-à-dire en gardant les yeux ouverts sur le milieu auquel il s'adressait, sur les idées et la manière d'évaluer les valeurs qui y régnaient.

7. Aux hommes qui vivaient dans un milieu où l'on considérait surtout le mariage comme une des manières de jouir du monde, Paul adressait donc des paroles significatives concernant soit la virginité ou le célibat (comme nous l'avons vu), soit le mariage même: "Je dis toutefois aux célibataires et aux veuves qu'il leur est bon de rester comme moi. Mais s'ils ne peuvent se contenir, qu'ils se marient: mieux vaut se marier que de brûler" 1Co 7,8-9 Déjà, auparavant, Paul avait exprimé une idée à peu près semblable: "J'en viens maintenant à ce que vous m'avez écrit. Il est bon pour l'homme de s'abstenir de la femme. Toutefois, en raison du péril d'impudicité, que chaque homme ait sa femme et chaque femme son mari" 1Co 7,1-2.

8. Dans sa première épître aux Corinthiens, l'apôtre considérait-il le mariage exclusivement comme un remedium concupiscentiae (un remède contre la concupiscence), comme on l'exprime habituellement en langage théologique traditionnel? Les affirmations que nous venons de rappeler sembleraient en témoigner.
En attendant, nous lisons, dans le voisinage immédiat des formules rapportées, une phrase qui nous entraîne à voir de manière différente l'ensemble de l'enseignement de Paul que contient 1Co 7: "Je voudrais que tout le monde fût comme moi (il reprend son argument préféré en faveur de l'abstention du mariage); mais chacun reçoit de Dieu son don particulier, l'un celui-ci, l'autre celui-là" 1Co 7,7. Ainsi donc, même ceux qui choisissent le mariage et vivent la vie matrimoniale ont reçu un don de Dieu, don particulier, c'est-à-dire la grâce propre à ce choix, à cette manière de vivre, à cet état. Le don que reçoivent les personnes qui vivent dans le mariage est différent de celui que reçoivent les personnes qui vivent dans la virginité et choisissent la continence pour le Royaume de Dieu; celui-ci n'est pas moins un don de Dieu, un don particulier destiné à des personnes consacrées, un don spécifique, c'est-à-dire adapté à leur vocation de vie.

9. Quand l'Apôtre caractérise le mariage du côté humain (et peut-être plus encore du côté de la situation dominant à Corinthe), il met vigoureusement en relief les motivations en ce qui concerne la concupiscence de la chair; il révèle aussi, en même temps et avec non moins de force de conviction, son caractère sacramentel et charismatique. Aussi clairement qu'il voit la situation de l'homme par rapport à la concupiscence de la chair, il voit aussi l'action de la grâce en chaque homme - en celui qui vit dans le mariage autant qu'en celui qui choisit volontairement la continence, tenant compte du fait que "la figure de ce monde passe" 1Co 7,31

- 7 juillet 1982

 
 

 

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