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Cloyne, laboratoire de la gestion des cas d'abus sexuels

Cloyne, laboratoire de la gestion des cas d'abus sexuels

Publié par Incarnare le samedi 16/07/2011 - 15:45 - Pédophilie

Une commission chargée d'investiguer sur la manière dont les allégations d'abus sexuels ont été gérées par le diocèse de Cloyne a rendu cette semaine son rapport1 qui relate les efforts entrepris et analyse les procédures de traitement des cas rapportés entre 1996 et 2009. Ce rapport contrasté pointe l'échec de ces procédures et en analyse les causes, mais montre également la bonne volonté et l'énergie déployée pour les mettre en place. 

Une bonne volonté évidente

On lit en filigrane dans le rapport l'ampleur des efforts entrepris à Cloyne pour favoriser la protection des mineurs : "Avant 2004, l'évêque a fait la promotion d'une formation à la protection des mineurs dans le diocèse. Après 2004, c'est le Diocèse, sur instruction de l'évêque, qui a pris des mesures considérables pour mettre en place cette formation" (p129).

Ainsi, 122 personnes avaient déjà suivi avant novembre 2004 une formation intitulée "Keeping Safe: best practices for work with young people", chiffre qui inclut toutes les personnes engagées en pastorale des jeunes. 

En 2005, les recommandations de la conférence épiscopale irlandaise "Our Children, Our Church" entraient en vigueur. Elle préconisent notamment une vérification des antécédents des personnes amenées à travailler auprès des jeunes. Le diocèse de Cloyne fut l'un des plus rapide à les mettre en oeuvre, avec la vérification du passé de 102 prêtres sur 104 par la police irlandaise (p129). 

Le rapport mentionne également (p16) que le diocèse a toujours évité avec les prêtres incriminés le jeu de "chaises musicales" qui a pu ailleurs conduire certains criminels à passer de paroisse en paroisse, sans que leur passé criminel ne soit connu.

Enfin, Mgr Magee, évêque du diocèse, a demandé à un cabinet spécialisé, Mentor Associates, d'évaluer les risques dans un certain nombre de cas, évaluation qui a donné lieu à quatre rapports qui ont conduit à une revue des procédures de protection des mineurs (p65).

Des lois et des hommes : un combat contre l'inertie

Le premier document concernant la protection des mineurs dans l'église irlandaise, "Child Sexual Abuse: Framework For A Church Response", date de 1996. Il prévoit notamment que chaque diocèse dispose d'un délégué permanent assisté d'un conseil pour la gestion des signalements.  Le rapport montre ainsi que le conseil institué à Cloyne dès avant 1996 ne s'est pas réuni régulièrement mais est vite devenu un organe consultatif convoqué ad hoc par le délégué. 

En réalité, le principal échec de la politique menée par Mgr Magee fut de nommer au poste de délégué à la protection des mineurs Monsignor O'Callaghan et de ne pas exiger de lui un reporting régulier.

Celui-ci a vite considéré cette charge comme une dignité personnelle, s'affranchissant des instances de décision et de contrôle. Il a ainsi réagi violemment au rapport McCoy (2004), qui fait suite à une étude pilote lancée en 2003 par la conférence des évêques d'Irlande sur l'implémentation du Framework, qui mettait en cause le manque de structures formelles à Cloyne (p57).  

O'Callaghan s'est également avéré opposé à certains aspects du Framework, notamment à l'instruction qui prévoyait que tous les cas rapportés soient référés aux autorités civiles. Pour lui, cette instruction conduit à renoncer à une approche qu'il qualifie de "pastorale" :  

 Lorsque les évêques ont établi leurs instructions en 1996, fort de 25 années de théologie morale et pastorale à Maynooth, j'ai fait part de mes réticences quant au fait de référer les cas à la Garda (ndt : police) et au Health Board (ndt : organe de l'exécutif irlandais). J'étais convaincu qu'il valait mieux laisser l'initiative aux plaignants, s'ils le souhaitaient. Je ne vois pas en quoi nous devrions nous attribuer le rôle de saisir la Garda, même si c'est l'institution qui, d'après mon expérience, est la plus à même de faire part de discrétion et de bon sens. (p66-67)

O'Callaghan a exprimé les mêmes réserves sur Our Children, Our Church (2005) :

 [J'étais] plus que déçu de la politique des évêques irlandais. Ils renonçaient à une tradition positive de pastorale inspirée par les mots et actes du Christ lui-même. Ils abandonnaient tout souci de discrétion pastorale et transféraient aux autorités civiles la responsabilité des prêtres accusés [...] Les évêques ont capitulé sous la pression des médias.. et ils espéraient que Rome valide cette politique !  (p13)

Et Rome n'est pas étrangère à l'échec des procédures de traitement des cas d'abus sexuels. En effet, les différents dicastères ont émis sur la question des opinions contrastées, qui laissent une impression de position en demi-teinte.

Si la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a pris des positions très fortes (exigeant par exemple en 2001 que les cas lui soient immédiatement et directement rapportés), celles-ci ont pu être diminuées dans leurs effets, voire mal interprétées, du fait des positions exprimées par la Congrégation pour le Clergé et par le Nonce papal.  La première, dans son souci (légitime) du respect de la présomption d'innocence, a qualifié le Framework de "simple document de travail" (p52), position relayée par le second. Ce manque de clarté a permis à ceux qui ne souhaitaient pas relayer les plaintes reçues aux autorités civiles d'agir à leur guise.

Le combat pour la protection des mineurs consiste, pour l'Eglise comme pour les institutions laïques, à relever le défi de mettre en place des règles et procédures claires et applicables, mais également des instances pour vérifier leur application (j'ai mentionné dans un précédent billet le rôle positif du National Board for Safeguarding Children). Ce processus nécessite une veille permanente et exige des autorités de tutelle (Rome, dans l'Eglise) un discours clair, cohérent et non ambigu. 

Cloyne fait figure de laboratoire pour l'Eglise (irlandaise, mais pas seulement). Comme dans toute expérimentation, on tâtonne, on connaît des échecs. L'important est de savoir en tirer les enseignements.

Pour plus d'informations : 

 
 

 
 

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