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TDC 110 - Le don mutuel de l'homme et de la femme

TDC 110 - Le don mutuel de l'homme et de la femme

Publié par Incarnare le mercredi 09/09/2009 - 21:30

1. Reprenons notre analyse du Cantique des Cantiques afin de comprendre de manière plus adéquate et exhaustive le signe sacramentel du mariage, tel que le manifeste le langage du corps qui est un langage particulier d'amour engendré par le coeur. A un certain moment, l'époux, exprimant une expérience particulière des valeurs qui rayonnent sur tout ce qui est en rapport avec la personne aimée dit: "Tu as pris mon coeur, ma soeur, mon épouse - tu as pris mon coeur par un seul regard, - par un anneau de ton collier. - Qu'elles sont douces tes caresses - ma soeur, mon épouse". Ct 4,9-10
Dans ces paroles apparaît ce qui est d'importance essentielle pour la théologie du corps - et dans le cas présent, pour la théologie du signe sacramentel du mariage. Qui donc est le "tu" féminin pour le "moi" masculin, et vice versa?
L'époux du Cantique des Cantiques s'exclame: "Tu es toute belle mon amie" Ct 4,7 et il l'appelle "ma soeur, mon épouse" Ct 4,9. Il ne l'appelle pas de son nom, mais il se sert d'expressions qui disent bien plus.
Sous un certain aspect, l'appellation, "soeur", dont se sert l'époux semble être plus éloquente que le terme "amie"; elle semble enracinée dans l'ensemble du Cantique qui manifeste combien l'amour révèle l'autre personne.

2. Le terme "amie" indique ce qui est toujours essentiel dans l'amour, qui place le second "ego" à côté du propre "ego". L'amitié - l'amour d'amitié (amour amicitiae) - signifie dans le Cantique un rapprochement particulier ressenti et expérimenté comme force intérieurement unificatrice. Le fait que dans ce rapprochement cet "ego" féminin se révèle à l'époux comme "soeur" - et que, précisément comme soeur elle soit épouse - a une éloquence toute particulière. L'expression "soeur" parle de l'union dans l'humanité et en même temps de la diversité et de l'originalité féminines de cette soeur, non seulement en considération du sexe, mais aussi dans la manière d' "être personne", ce qui veut dire soit "être sujet" soit "être en rapport". Le terme "soeur" semble exprimer de la manière la plus simple, la subjectivité de l'"ego" féminin dans la relation personnelle avec l'homme, c'est-à-dire dans l'ouverture de ce dernier vers les autres qui sont entendus et perçus comme des frères. En un certain sens, la soeur aide l'homme à se définir et à se comprendre de cette manière, constituant pour lui une sorte de défi dans cette direction.

3. L'époux du Cantique accueille le défi et recherche le passé commun comme si lui et sa femme provenaient du même cercle de famille, comme s'ils étaient unis depuis l'enfance par les souvenirs du même foyer. Ils se sentent ainsi réciproquement proches comme frère et soeur qui doivent leur existence à la même mère. Il en découle un sens spécifique d'appartenance commune. Le fait qu'ils se sentent frère et soeur leur permet de vivre en sûreté ce voisinage réciproque et de le manifester en y trouvant un appui sans craindre le jugement inique des autres hommes.
Grâce à l'appellation "ma soeur", les paroles de l'époux tendent à reproduire, peut-on dire, l'histoire de la féminité de la personne aimée, la voyant encore à l'époque de l'enfance et embrassant son "ego" tout entier âme et corps, avec une tendresse désintéressée. C'est de là que naît cette paix dont parle l'épouse. C'est la paix du corps qui, en apparence, ressemble au sommeil ("ne réveillez pas la bien- aimée, ne l'arrachez pas à son sommeil, avant qu'elle ne le veuille") C'est surtout la paix de la rencontre dans l'humanité en tant qu'image de Dieu - et la rencontre à travers un don réciproque et désintéressé ("et ainsi je suis à tes yeux comme celle qui a trouvé la paix" Ct 8,10

4. En relation avec la trame précédente qu'on pourrait appeler la "trame fraternelle" apparaît dans le duo amoureux du Cantique des Cantiques une autre trame, disons un autre substrat du contenu. Nous pouvons l'examiner en partant de certaines expressions qui dans le poème semblent avoir une signification clé. Cette trame n'apparaît jamais explicitement, mais à travers toutes les compositions et ne se manifeste expressément que dans certains passages. Voilà comment parle l'époux: "Tu es un jardin fermé, ma soeur, mon épouse - une fontaine scellée" Ct 4,12
Ces métaphores que nous venons de lire "jardin fermé, fontaine scellée" révèlent la présence d'une autre vision de l' "ego" féminin lui-même, propriétaire de son propre mystère. On peut dire que chacune de ces métaphores exprime la dignité personnelle de la femme qui, en tant que sujet spirituel, se possède et peut décider non seulement de la profondeur métaphysique, mais aussi de la vérité essentielle et de l'authenticité du don de soi, tendu vers cette union dont parle le livre de la Genèse.
Le langage de la métaphore - langage poétique - semble être, dans ce contexte particulièrement approprié et précis. La "soeur-épouse" est pour l'homme propriétaire de son mystère comme "un jardin fermé" comme "une fontaine scellée". Le langage du corps examiné dans sa vérité de pair avec la découverte de l'inviolabilité intérieure de la personne. En même temps, cette découverte exprime l'authentique profondeur de l'appartenance réciproque des époux, conscients de s'appartenir mutuellement, d'être destinés l'un à l'autre. Quand l'épouse dit: "Mon bien - aimé est à moi", elle veut dire en même temps: "Il est celui à qui je me confie"; et elle ajoute en conséquence "et moi à lui" Ct 2,16. Les adjectifs "mon" et "ma" affirment ici toute la profondeur de cet acte de se confier qui correspond à la vérité intérieure de la personne humaine.
Il correspond en outre à la signification conjugale de la féminité par rapport à l'"ego" masculin, c'est-à-dire au langage du corps, considéré dans la vérité de la dignité personnelle.
Cette vérité a été prononcée par l'époux quand il a parlé du "jardin fermé" et de la "fontaine scellée". L'épouse lui répond avec les paroles du don par lequel elle se confie à lui. Comme maîtresse de son propre choix, elle dit: "Je suis à mon bien-aimé". Le Cantique des Cantiques relève subtilement la vérité intérieure de cette réponse. La liberté du don est une réponse à la profonde conscience du don qu'expriment les paroles de l'époux. C'est par cette vérité et cette liberté que s'édifie l'amour duquel il importe d'affirmer qu'il est un amour authentique.

- 30 mai 1984

 
 

 

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