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TDC 030 - La domination de "l'autre" dans les relations interpersonnelles

TDC 030 - La domination de "l'autre" dans les relations interpersonnelles

Publié par Incarnare le samedi 05/09/2009 - 20:09


1. Dans Gn 3 se trouve décrit avec une précision surprenante le phénomène de la honte apparue chez le premier homme en même temps que le péché originel. Une réflexion attentive au sujet de ce texte nous permet d'en déduire que la honte - qui a pris la place de la confiance absolue liée à l'état antérieur d'innocence originaire dans les rapports réciproques de l'homme et de la femme - a une dimension plus profonde. A cet égard, il faut relire tout le chapitre 3, jusqu'à la fin, et ne pas se limiter au verset 7 ou au texte des versets 10-11 qui relatent la première expérience de la honte. Voici qu'à la suite de ce récit le dialogue entre Dieu-Jahvé et l'homme et la femme s'interrompt et qu'un monologue commence. Jahvé s'adresse à la femme et lui parle d'abord des douleurs de l'enfantement qui dorénavant l'accompagneront: "Je vais multiplier tes souffrances et tes grossesses: c'est dans la souffrance que tu enfanteras des fils" Gn 3,16.
A cela fait suite ce qui caractérisera leurs futurs rapports, ceux de l'homme et de la femme: "Ta convoitise te poussera vers ton mari et il te dominera" Gn 3,16.



2. Comme les paroles de Gn 2,24, celles-ci ont un caractère prospectif. La formulation incisive de Gn 3,16 semble concerner l'ensemble des faits qui, d'une certaine façon, émergent déjà de l'expérience originaire de la honte et qui se manifesteront par la suite dans toute l'expérience intérieure de l'homme "historique". L'histoire des consciences et des coeurs humains ne manquera jamais de confirmer les paroles contenues dans Gn 3,16. Les paroles prononcées au début semblent se référer à une particulière "diminution" de la femme par rapport à l'homme. Mais on n'y trouve aucune raison pour la comprendre comme une diminution ou une inégalité sociale. Par contre l'expression: "Ta convoitise te poussera vers ton mari et, lui, il te dominera" indique aussitôt une autre forme d'inégalité, que la femme ressentira comme un manque de pleine unité précisément dans le vaste contexte de l'union avec l'homme, union à laquelle ils sont appelés tous deux selon Gn 2,24.


3. Les paroles de Dieu-Jahvé: "Ta convoitise te poussera vers ton mari et, lui, il te dominera" Gn 3,16 ne concernent pas exclusivement le moment de l'union de l'homme et de la femme, lorsque tous les deux s'unissent au point de devenir une seule chair Gn 2,24, mais elles se réfèrent au vaste contexte des rapports - même indirects - de l'union conjugale dans son ensemble. Pour la première fois, l'homme est défini ici comme "mari". Dans l'ensemble du contexte du récit jahviste, ces paroles signifient surtout une rupture, une perte fondamentale de la primitive communauté-communion des personnes. Celle-ci aurait dû rendre réciproquement heureux l'homme et la femme grâce à la recherche d'une union simple et pure dans l'humanité, grâce à l'offrande mutuelle d'eux-mêmes, c'est-à-dire l'expérience du don de la personne exprimée par l'âme et par le corps, par la masculinité et la féminité ("chair de ma chair", Gn 2,23, et enfin moyennant la subordination de leur union à la bénédiction de la fécondité par la "procréation".
Il semble donc que dans les paroles que Dieu-Jahvé adresse à la femme il y a une résonance plus profonde que la honte que l'homme et la femme commencèrent à éprouver après la rupture de l'alliance originelle avec Dieu. Nous y trouvons, en outre, une plus complète motivation de cette honte. De façon très discrète, mais néanmoins expressive et facile à déchiffrer, Gn 3,16, atteste que la béatifique union conjugale originelle des personnes sera déformée dans le coeur de l'homme par la concupiscence. Ces paroles sont adressées directement à la femme, mais elles se réfèrent à l'homme, ou plutôt à tous deux.


4. L'analyse de Gn 3,7, faite précédemment, a déjà démontré que dans la nouvelle situation, après la rupture de l'alliance originelle avec Dieu, l'homme et la femme, au lieu d'être unis, se trouvèrent, à l'égard l'un de l'autre, plus séparés et même directement opposés à cause de leur masculinité et féminité. En mettant en relief l'impulsion instinctive qui les avait menés l'un et l'autre à se couvrir le corps, le récit biblique décrit en même temps la situation dans laquelle l'être humain, comme homme ou femme - auparavant il était plutôt homme et femme - se sent plus nettement éloigné du corps comme source de l'union originelle dans l'humanité ("chair de ma chair"), et plus nettement opposé à l'autre précisément sur la base du corps et du sexe. Cette opposition ne détruit ni n'exclut l'union conjugale voulue par le Créateur Gn 2,24 ni ses effets procréateurs; mais elle confère à la réalisation de cette union une autre direction qui sera le propre de l'homme de la concupiscence. C'est précisément de cela que parle Gn 3,16.
La femme, dont "la convoitise la poussera vers son (propre) mari" Gn 3,16, et l'homme qui répond à cette convoitise, comme nous le lisons "il te dominera", forment indubitablement le même couple humain, le même mariage que dans Gn 2,24, et même l'identique communauté de personnes; toutefois, ils sont désormais quelque chose de différent. Ils ne sont plus seulement appelés à l'union et à l'unité, mais ils sont aussi menacés par l'insatiabilité de cette union et de cette unité qui ne cessent d'attirer l'homme et la femme précisément parce qu'ils sont des personnes appelées de toute éternité à exister "en communion". A la lumière du récit biblique, la pudeur sexuelle a une signification profonde, liée précisément à la non-satisfaction de l'aspiration à réaliser dans l' "union conjugale du corps" Gn 2,24 la réciproque communion des personnes.



5. - Tout ceci semble confirmer, sous différents aspects, qu'à la base de la honte dont l'homme historique est devenu participant. il y a la triple concupiscence dont il est question dans 1Jn 2,16: "Non seulement la concupiscence de la chair, mais aussi la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie". L'expression relative à la "domination" ("il te dominera") que nous lisons dans Gn 3,16, n'indique-t-elle pas cette dernière forme de concupiscence? La domination "sur" l'autre - de l'homme sur la femme - ne change-t-elle pas essentiellement la structure de communion dans les relations interpersonnelles? Ne transpose-t-elle pas dans la dimension de cette structure un élément qui fait de l'être humain un objet qui, en un certain sens, peut attirer la convoitise des yeux?
Voilà les interrogations qui naissent de la réflexion sur les paroles de Dieu-Jahvé, selon Gn 3,16. Ces paroles prononcées presque au seuil de l'histoire humaine, après le péché originel, nous dévoilent non seulement la situation extérieure de l'homme et de la femme, mais nous permettent également de pénétrer à l'intérieur des profonds mystères de leur coeur.

- 18 juin 1980

 
 

 

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