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La Résurrection de la Chair et la vie du monde à venir

La Résurrection de la Chair et la vie du monde à venir

Publié par Incarnare le mercredi 26/08/2009 - 14:56

Comme les pharisiens qui lui posent la question sur le divorce, le but des sadducéens est de piéger Jésus. Les sadducéens sont un groupe de juifs qui ne croient en effet pas en la résurrection. S'appuyant sur la loi1, ils soumettent à Jésus une étude de cas pour faire la preuve de ce qu'ils avancent2:

 Il y avait sept frères ; le premier se maria, et mourut sans laisser de descendance. Le deuxième épousa la veuve, et mourut sans laisser de descendance. Le troisième pareillement. Et aucun des sept ne laissa de descendance. Et finalement, la femme mourut aussi. A la résurrection, quand ils ressusciteront, de qui sera-t-elle l'épouse, puisque les sept l'ont eue pour femme ? »

Les sadducéens tentent une preuve par l'absurde, insinuant que "la foi en résurrection implique d'autoriser la polyandrie, contraire à la loi de Dieu"3. Les sadducéens se considéraient comme de fins connaisseurs de l'Écriture.. pourtant le Christ, un fils de charpentier, leur répond4

  « Vous êtes dans l'erreur, en méconnaissant les Écritures, et la puissance de Dieu. A la résurrection, en effet, on ne se marie pas, mais on est comme les anges dans le ciel. Au sujet de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit : Moi, je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob ? Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants. »

Notons qu'à première vue cette réponse n'est pas pleinement satisfaisante pour un occidental du XXe siècle qui sépare volontiers corps et âme. Pour les sadducéens en revanche, l'unité entre corps et âme est une donnée fondamentale : c'est d'ailleurs elle qui les conduit à penser, puisque le corps est mort, qu'il n'y a pas de résurrection. Jésus retourne l'argument : si l'âme ressuscite, alors il en est de même pour le corps.

Jésus réfute les sadducéens, pourtant experts en Écriture Sainte : ils méconnaissent les Écritures, dit-il. Pour quelle raison ? Parce qu'ils méconnaissent la puissance de Dieu. La Vérité des Écritures ne se révèle qu'à l'âme qui a la foi, c'est à dire l'ouverture à la puissance de Dieu agissante dans sa vie. Une connaissance littérale ne suffit pas. Le dieu que les sadducéens connaissent c'est le "dieu de leur hypothèses et interprétations, pas le vrai Dieu de leurs pères"5.

La réponse du Christ vient ainsi contemporaine et peut nous parler car nous lisons nous-même ses paroles à la lumière de sa propre résurrection, âme et corps. Au regard de ce que nous avons pu dire de l'homme originelle et historique, l'unité du corps et de l'esprit n'est pas incohérente.

 

Une nouvelle signification du corps

Le mariage est défini par Jean-Paul II comme l'union "par laquelle l'homme s'unit à sa femme en une chair". Il ajoute que si cette union est présente dès le commencement, elle ne constitue pas notre avenir eschatologique : Elle appartient uniquement à "ce monde"6.

Certains ont interprété ceci comme la preuve que l'amour sexuel serait intrinsèquement mauvais et ne conviendrait pas à la sainteté des cieux ; d'autres craignent la séparation éternelle de leur épouse. Ni ceux-ci ni ceux-là ne connaissaient ni les écritures ni la puissance de Dieu : en effet, Dieu a créé l'unité originelle et cela était très bon et ce que vous aurez uni sur terre sera uni dans les cieux.

L'accomplissement du mariage

La résurrection ne signifie pas l'abolition du mariage mais son accomplissement dans les "noces de l'Agneau"7. Le "grand mystère" du mariage nous prépare à vivre le "grand mystère" de l'union éternelle avec le Christ. C'est ainsi que Jean-Paul II qualifie le mariage de sacrement primordial.

Mais précisément en tant que sacrement - un signe terrestre d'une réalité céleste - le mariage n'est pas l'appel définitif de l'homme. Nul n'a besoin d'un signe qui montre le ciel lorsqu'il est au ciel8. Le ciel ne sera pas tant la fin du mariage que l'accomplissement de sa finalité.

"Comme les anges" ?

Si nous serons semblables aux anges, nous ne serons pas des anges. La corporéité est constitutive de notre nature et il serait stupide de parler de résurrection sans résurrection de la chair : ce ne serait pas nous qui ressusciterions !

Le Royaume des cieux n'est pas le lieu où notre âme est séparée (Platon aurait dit "libérée") de notre corps, mais où corps et âme sont parfaitement unis9. Le philosophe Peter Kreeft écrit ceci10 : "Une âme sans corps est l'opposé de la conception que Platon en avait : non pas libre mais enchaînée." L'âme humaine a besoin du corps pour s'exprimer. "Le corps est la matière de l'âme et l'âme la forme du corps. C'est pourquoi les morts-vivants et fantômes nous terrorisent [...] : tous deux sont des séparations obscènes du corps et de l'âme. C'est pourquoi Jésus pleurait sur la tombe de Lazare : pas tant de deuil que face à cette obscénité cosmique."

Une question demeure : serons-nous ressuscités homme et femme ? certains, en reconnaissant la résurrection de la chair, s'appuient sur Saint-Paul11 pour penser que cette résurrection est assexuée. Le Pape reconnaît que notre corporéité est première par rapport à notre sexualité dans notre nature ; cependant dans sa catéchèse du 2 décembre 1981 (TDC 66) il mentionne trois fois que notre corps est ressuscité homme et femme12, multitude de solitudes vivant l'unité parfaite.

Cela signifie-il que que nous serons nus dans le Royaume des Cieux ? En effet, la honte aura également perdu sa raison d'être... l'Évangile dit que les linges recouvrant le corps du Christ sont abandonnés à la résurrection ; à l'opposé, la Transfiguration montre le Christ habillé, mais dans un vêtement blanc comme la lumière. L'unique certitude est que cette expérience sera différente de ce que nous connaissons. Saint Ignace d'Antioche dit en effet que "nous n'aurons pas besoin de vêtement tissé, étant vêtus de la lumière éternelle." St Jean décrit une "femme ayant le soleil pour manteau" : la nudité totale et le vêtement blanc sont ainsi deux symboles que l'Église a utilisé couramment lors du baptême pour manifester la vie nouvelle gagnée dans le Christ.

Le corps spirituel

Dans notre personne marquée par le péché, le corps et l'âme sont souvent à la lutte. Saint Paul l'a bien exprimé : "dans tout mon corps, je découvre une autre loi, qui combat contre la loi que suit ma raison et me rend prisonnier de la loi du péché"13

La victoire du Christ n'est pas une victoire de l'esprit sur le corps, mais l'union parfaite du corps et de l'esprit. L'homme eschatologique "connaîtra une spiritualisation parfaite", où la raison n'aura pas d'adversaire. Cette expérience sera ainsi "fondamentalement différente (en nature et non pas seulement en degré) de notre expérience terrestre"14.

La vision des béatitudes :  voir Dieu face à face

La complémentarité des sexes, l'appel à une union féconde, le désir de voir et d'être vu, [de connaître et d'être connu], trouvent leur accomplissement aux Cieux dans la rencontre du mystère de Dieu, qui se révèle face à face. 

Les écrits de Thérèse d'Avila et Jean de la Croix sont, parmi tant d'autres, des témoignages de ce mariage mystique avec le Christ. Dans la vision béatifique, l'homme et la femme n'auront plus besoin de la médiation du sacrement pour participer à cet échange amoureux.

L’Être même de Dieu est Amour. En envoyant dans la plénitude des temps son Fils unique et l’Esprit d’Amour, Dieu révèle son secret le plus intime : Il est Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint, et Il nous a destinés à y avoir part.15

C'est précisément ce qu'est le corps : un témoin de l'Amour. "Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l'amour vient de Dieu. Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu, et ils connaissent Dieu. Celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour"16.

En nous donnant totalement à l'Amour, nous ne nous aliénons17 pas : nous trouvons notre véritable identiité. Si nous ne croyons pas que l'abandon total à Dieu est l'accomplissement de notre liberté et non sa négation, alors nous sommes encore dupés par le père du mensonge. Si nous savions quel est le don de Dieu18 !!! Nous sommes fait par la communion éternelle avec La Communion Éternelle.

Zoom...

Nous comprenons pourquoi Satant s'empresse tellement d'attaquer notre corporéité : elle est image du coeur de Dieu ! Il la parodie et la distord, mais si l'on détord cette image, on retrouve l'image originelle. G. K. Chesterton exprime cette idée en écrivant : "tout homme qui frappe à la porte d'une maison close est à la recherche de Dieu".

 

Connaître Dieu, la Communion des Saints

Aux fins dernières nous serons appelés à connaître Dieu et être connus par Lui19. Nous pouvons en avoir un avant-goût dès aujourd'hui : "Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu, et ils connaissent Dieu. Celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour."20

Cette connaissance est communion, et nous y sommes tous appelés. C'est ainsi que l'Église professe la Communion des Saints. En Dieu aura lieu l'union de la communion des personnes créées et des personnes divines non-créées. Dieu sera en effet "tout en tous"21

  Elle est inépuisable, la grâce par laquelle Dieu nous a remplis de sagesse et d'intelligence en nous dévoilant le mystère de sa volonté, de ce qu'il prévoyait dans le Christ pour le moment où les temps seraient accomplis ; dans sa bienveillance, il projetait de saisir l'univers entier, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, en réunissant tout sous un seul chef, le Christ.22

  Voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître: puisqu’il n’a pas découvert Dieu.  Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est. 23

 

La Communion des Personnes, fondement de notre identité

C'est à la communion des personnes que nous sommes appelés, pour laquelle nous sommes créés et que nous désirons avec le plus d'intensité. La communion des corps est le signe de cette communion des personnes. 

L'union des corps, icône ou idole ?

Toutefois, si nous recherchons cette communion des corps pour elle-même indépendant de la communion des personnes, nous risquons d'en faire un absolu, c'est à dire une idole. 

La pornographie en est l'exemple le plus frappant. En orientant le désir vers un corps anonyme et proposant une sexualité générique24 la pornographie nous éloigne de Dieu. Le corps n'est pas porno-graphique25 mais théo-graphique.

Toutefois, nous pouvons aussi idolâtrer le mariage en n'oubliant qu'il n'est que le signe, l'icône de l'union définitve à laquelle nous aspirons. C'est faire peser sur le conjoint un poids qu'il ne peut porter : le conjoint n'est pas capable de nous donner notre satisfaction ultime. Reconnaître cela est nécessaire pour ne pas étouffer son conjoint et goûter pleinement les réelles joies du mariage.

La révolution sexuelle est pour la société une manière d'idolâtrer la sexualité : ce n'est pas étonnant, dans la mesure où plus grand est le don, plus grande est la tentation de l'idolâtrer (c'est à dire de préférer le don au donateur). Lorsque nous échangeons l'amour vrai pour la concupiscence, nous vivons avec les conséquences26

 

L'interprétation paulinienne de la résurrection

Le postulat de Paul quand il parle de la résurrection est qu'elle est le socle de notre foi : "si le Christ n'est pas ressuscité, notre message est sans objet et notre fois est sans objet"27. Pour commenter le vaste message de Paul, le Saint-Père concentre son attention sur le texte suivant28 :

  Ce qui est semé dans la terre est périssable, ce qui ressuscite est impérissable ; ce qui est semé n'a plus de valeur, ce qui ressuscite est plein de gloire ; ce qui est semé est faible, ce qui ressuscite est puissant ; ce qui est semé est un corps humain, ce qui ressuscite est un corps spirituel ; puisqu'il existe un corps humain, il existe aussi un corps spirituel. L'Écriture dit : Le premier Adam était un être humain qui avait reçu la vie ; le dernier Adam - le Christ - est devenu l'être spirituel qui donne la vie. Ce qui est apparu d'abord, ce n'est pas l'être spirituel, c'est l'être humain, et ensuite seulement, le spirituel.

Rappelons-nous tout d'abord que Saint-Paul ne mésestime pas le corps (temple de l'Esprit29) et que c'est seulement privé de l'esprit qu'il est périssable et n'a pas part au royaume30. Le Christ ouvre la voie à une vie nouvelle où il nous précède, comme Adam nous précédait dans le péché.

Dans cette vie nouvelle, la virginité (bien comprise) en est une donnée clé : Luc précise que Marie était vierge31, et vierge est le tombeau qui accueille le Christ32. Cette vie n'est pas que pour quelques-uns, elle est offerte à tous : "Puisque Adam est pétri de terre, comme lui les hommes appartiennent à la terre ; puisque le Christ est venu du ciel, comme lui les hommes appartiennent au ciel"33.

Avec une vision du monde influencée par le dualisme cartésien, nous avons du mal à concevoir le corps spirituel et l'angélisme nous guette.

  • 1. cf. Dt 25,5-10
  • 2. Mc 12,20-23
  • 3. TDC 64,2
  • 4. Mt 22,29-33
  • 5. TDC 65,7
  • 6. Lc 20,34 : Les enfants de ce monde se marient.
  • 7. Ap 19,7
  • 8. Devinez quoi, il n'y aura pas non plus d'eucharistie... ou plutôt il y aura une eucharistia (action de grâce) éternelle !!
  • 9. TDC 66,6
  • 10. Tout ce que Vous Avez Toujours Voulu Savoir sur le Ciel Sans Jamais Oser Le Demander
  • 11. Ga 3,28 : "il n'y a plus l'homme et la femme"
  • 12. Dans cette vision, c'est de l'opposition entre homme et femme que Saint Paul dit en Ga 3,28 qu'elle n'existera plus, comme l'opposition entre le juif et le païen. Nous serons toujours homme et femme sans que cela ne soit une source de tension.
  • 13. Rm 7,23
  • 14. TDC 67,2
  • 15. CEC 221
  • 16. 1Jn 4,7-8
  • 17. notons que l'étymologie d'aliéner, révélée par le sens de l'anglais alienate est révélatrice : nous ne devenons pas étrangers à nous-même.
  • 18. Jn 4,10
  • 19. rappelons nous toute la profondeur du mot dans la Bible
  • 20. 1Jn 4,7-8
  • 21. 1Co 15,28
  • 22. Ep 1,7-10
  • 23. 1Jn 3,1-2
  • 24. Comparez avec la différence qui existe entre le "vrai" Nutella et une pâte à tartiner générique et vous aurez - toutes proportions gardées - une image de la différence qui existe entre l'union conjugale et  la pornographie
  • 25. de porno : la prostitution
  • 26. Parmi les symptômes mesurables, comptons la prolifération des maladies sexuellement transmissibles, l'holocauste de l'avortement et la plaie sociale qu'est le divorce : mais au-delà de ces réalités mesurables, comptons aussi les millions d'âmes qui en ont subi les blessures.
  • 27. 1Co 15,14
  • 28. 1Co 15,42-46
  • 29. 1Co 6,19
  • 30. 1Co 15,50
  • 31. Lc 1,27
  • 32. Lc 23,53
  • 33. 1Co 15,48

 
 

 

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