Osez le manteau
Koz réagit dans un excellent billet à la campagne "Osez le clito" qui s'impose à vos yeux depuis le début de la semaine si vous habitez dans les environs de la capitale. Il y livre un témoignage personnel sur les effets néfastes de l'hyper-affichage de la sexualité sur le développement affectif des hommes et de leur regard sur les femmes1.
Le site de la campagne développe une vision assez particulière du corps féminin. Le clitoris y est assimilé à une sorte de pompe à morphine, un bouton-pousseoir du bonheur on-demand ou du plaisir - forcément solitaire, car vous ne croyez tout de même pas qu'on a besoin ni envie d'un homme, nous les femmes ? Non, monsieur est forcément vu comme un machiste dominateur qui n'a, depuis vingt siècles, qu'un seul but, vous empêcher de jouir.
"T'es déprimée ? pense au clito !" / "Tu fais quoi ce soir ? Oh, moi je vais à la piscine, et toi ? Ah moi, ce soir, c'est clito !". Bizarrement, ce ne sont pas les discussions que j'entends le midi au boulot. Mes collègues seraient donc de dangereux obscurantistes ? Ou alors des frustrés à la vie sexuelle désertique ? Il me semble au contraire qu'ils sont plutôt "libérés"2, comme on dit.
Alors, il faut peut-être envisager l'hypothèse que la sexualité est une dimension, non pas honteuse ni malsaine, mais au contraire une dimension trop importante et trop belle de notre personne pour qu'on puisse l'évoquer dans la banalité d'une discussion de travail, ou dans la misère esthétique et éthique d'une affiche "Osez le clito".
Zahia, elle, ose le clito. Elle, féministe s'il en est (!), ose essayer de choquer le bourgeois en se mettant en tenue d'Eve dans mon 20 minutes du matin. Sauf que, d'une, pour transgresser, il en faut un peu plus, maintenant... tout a déjà été fait et refait ! Et puis la plastique siliconée aux couleurs barbie, c'est d'un kitsch, pour une (je cite) "nouvelle égérie de l'art contemporain".
Sauf que là, moi je vois pas Zahia en tenus d'Eve, mais Zahia en tenue de Zahia. De l'extérieur, pas grand chose ne change. Zahia comme Eve sont nues, mais si Eve est "comme Dieu l'a faite", je n'en dirais pas autant de Zahia (au-delà même du silicone). Quelque chose dans la posture, dans l'intention. Difficile de dire quoi, mais évident quand on le voit.
Sauf que, Zahia, quand j'y pense, je ne l'ai jamais vue autrement que nue. Et je peux me tromper, mais l'égérie de l'art contemporain ne me paraît pas un modèle de féminité, ni de bonheur. Jamais elle ne s'est donné la chance de laisser percevoir de sa personne autre chose qu'un bout de chair, un téton (ou les deux) et un déhanché, certes très étudié. Elle a peut-être d'autres choses à offrir, Zahia, d'autres beautés à donner à contempler. Alors, je voudrais t'adresser un message, Zahia : Ose le manteau.