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Prier quand on a le diable au corps

Prier quand on a le diable au corps

Publié par Incarnare le samedi 03/07/2010 - 00:22 - Corps

Depuis votre tout jeune âge, vos pasteurs, prêtres ou éducateurs ont tenté de vous apprendre à prier. Ils vous ont fait vous agenouiller, fermer les yeux, ont exigé de vous que vous restiez immobile, rien à faire ! Vous n'y arrivez pas, vos genoux vous grattent, vos yeux vous piquent, tout votre être vous démange et s'y refuse. Damné ? Non, vous êtes peut-être juste extraverti. 

Les extravertis n'ont pas la vie facile ; on dit facilement des enfants qui ne tiennent pas en place qu'ils ont le diable au corps (!)... et c'est peut-être encore plus vrai sur les bancs de l'église que sur ceux de l'école. Car il faut le reconnaître : si les Écritures décrivent Pierre comme un extraverti, c'est dans l'héritage des introvertis que la spiritualité catholique romaine s'est construite, sur la tradition monastique. 

Celle-ci trouve sa source dans le mode de vie de ces pères du désert, dont l'ascèse et la vie érémitique ne sont pas la tasse de thé des extravertis. La plupart des prêtres, religieux et religieuses ne sont pas extravertis : pour eux, contemplation, silence, calme et solitude sont synonymes de paix intérieure ; mais ce moule ne convient pas à tous !

Si l'on considère le Christ comme le modèle de toute humanité, on observe dans les Évangiles de nombreuses références à des temps de solitude, de prière et de désert. Introvertis et extravertis ont également besoin de ce temps, mais pas de manière identique : pour les introvertis, le chemin du silence et de la solitude est une prise de distance par rapport aux sens ; c'est, à l'inverse, dans les sens que se trouve la voie des extravertis !

Un exemple concret : à la contemplation silencieuse du Saint-Sacrement, l'extraverti préférera la contemplation de la beauté de la création (Saint François était un bon exemple d'extraverti qui a réussi :p). Alors que les autres penseront qu'il zappe la prière, c'est dans ce temps qu'il trouvera la plus grande proximité avec Dieu.

La contemplation s'accomplit dans l'action et l'action n'a de sens que dans la contemplation. La faculté d'imagination est une béquille importante pour les extravertis, même si elle demande à être guidée pour ne pas partir dans tous les sens. Il pourrait être tentant de croire que la prière n'est qu'une disposition intérieure ; l'extraverti a également besoin que sa prière soit exprimée pour être complète.

La nécessité d'une communauté est d'autant plus vive pour les extravertis : mais comment partager la vie d'une bande d'introvertis ? Certains trouvent leur secours dans l'écriture, qui permet de se projeter, en même temps qu'elle permet de partager concrètement un temps de prière avec les autres. L'écriture ne se suffit toutefois pas à elle-même, et c'est dans la qualité des relations que l'extraverti trouvera son plein développement.

30 minutes de méditation silencieuse ont plus de chances d'amener un extraverti dans les bras de Morphée que dans ceux du Père ; la lecture sans possibilité d'écrire ou de discuter de ce qu'il lit ne porte pas de fruit ; à l'inverse, les chants, la danse, les conversations, illustrés par les psaumes, lui permettent de goûter la même intensité de prière pour le commun des mortels ! Ils ont du mal avec l'homélie1 mais goûtent pleinement le geste de paix, tandis que l'introverti en viendra facilement à la considérer comme une parenthèse un peu kitsch.

Les extravertis ont besoin de vie communautaire.. mais dans beaucoup de communautés religieuses, le temps des repas est réduit à la portion congrue.. alors qu'il leur est essentiel ! Vous les y reconnaîtrez au fait qu'ils sont sans doute de sortie bien plus souvent  qu'à leur tour !2 Les introvertis ont beaucoup de mal à réaliser (sans doute parce que les extravertis n'ont pas sur leur expliquer) que ce qu'ils appellent socialisation... est pour les extravertis proche du coeur de leur prière !

De même qu'il existe une différence entre le temps de la socialisation et le temps de la prière (malgré leur proximité), il y a une différence entre la prière et le ministère : celle-ci est évidente pour l'introverti.. qui la ressent douloureusement à chaque fois qu'il doit prêcher ! La prière des extravertis impliquant les sens et la conversation, il leur est au contraire facile de confondre prière personnelle et ministère ; et si la prière communautaire n'est pas très satisfaisante car trop intériorisée, il leur est difficile de trouver du temps de qualité hors de leur ministère pour y remédier.

Pour ne pas tomber dans la caricature, reconnaissons que chacun de nous est plus ou moins extraverti ; l'introversion ou l'extraversion ne sont qu'une dimension de la personne parmi d'autres, que vous pouvez identifier (par exemple en vous soumettant à des analyses de profil psychologique, comme le MBTI ou DISC, etc.).

Si la plupart des théologiens et auteurs de spiritualité ont largement exagéré l'importance d'un mode d'expression sur l'autre, reconnaissons avec joie que des pistes ont été ouvertes au cours des dernières décennies, même dans des communautés traditionnellement plus propices à l'épanouissement des introvertis. L'unification de nos dimensions d'introversion et d'extraversion est un long travail, sans doute impossible sans la grâce de Dieu, mais qui produit des fruits à la mesure de cette grâce !

  • 1. mais c'est parfois uniquement du bon sens, et non de l'extraversion :)
  • 2. si vous auriez voulu écouter cet article en podcast en faisant votre jogging, plutôt que le lire dans le confort de votre fauteuil, vous êtes sans doute extraverti.. toutes mes excuses, je ne suis pas encore arrivé à l'étape du podcast !

 
 

 
 

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