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Eléments de Spiritualité Conjugale

Eléments de Spiritualité Conjugale

Publié par Incarnare le vendredi 28/08/2009 - 12:32

 

Les Catéchèses de Jean-Paul II suivent un schéma bien précis : lorsqu'il a enseigné un point qui pose difficulté, il ne manque pas de proclamer la puissance de la rédemption, et son efficacité dans nos vies, qui amène les hommes et les femmes à ne pas seulement respecter la loi mais l'accomplir dans la joie. Le Pape présente toujours l'éthique à la lumière de l'ethos, la loi à la lumière de la grâce, et ici la dimension normative d'Humanae Vitae dans la perspective de la spiritualité conjugale.

Pour comprendre la faisabilité des enseignements du Saint-Père, nous devons toujours garder à l'esprit son enseignement sur la pureté comprise comme vie dans l'Esprit1. La vie conjugale des époux n'est rien d'autre que l'engagement ferme à demeurer ouverts à l'action de l'Esprit.

 

La puissance de la consécration sacramentelle

Beaucoup d'entre-nous, à la lumière de nos faiblesses, considérons l'enseignement de l'Église comme irréaliste. Paul VI veut nous rassurer en affirmant que la puissance de Dieu trouve sa plus forte expression dans la faiblesse2, lorsqu'il dit qu'il ne faut pas "dissimuler les difficultés, parfois graves, qui sont inhérentes à la vie des époux chrétiens"3.

Humanae Vitae fait donc cas de la faiblesse de l'homme mais ne s'arrête pas là : ce serait priver la croix de sa puissance. Sa conclusion est une supplication à Dieu pour qu'il répande l'abondance de sa grâce. Les hommes et les femmes peuvent-ils appliquer cet enseignement en comptant sur leurs propres forces ? Une réponse réaliste est : "non". Mais il s'adresse à des hommes et des femmes qui ont été libérés par le Christ pour aimer comme il aime. « Pour les hommes, c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible. »4

Croyons nous que le Christ est mort et ressuscité pour nous libérer du péché et nous donner la grâce de vivre selon le plan originel de Dieu ? Croyons-nous que l'Esprit Saint - l'amour et la puissance même de Dieu - nous a été donné ? C'est la question à laquelle nous nous confrontons : condamner l'Église parce qu'elle appelle les hommes et les femmes à vivre pleinement leur vocation, parce qu'elle les appelle à la sainteté, revient à répondre par la négative. 

 

Des moyens infaillibles pour vivre cette spiritualité

Pour vivre pleinement la théologie du corps, Dieu, par l'Église, nous offre quelques ressources qui sont5 les mêmes que pour vivre une vie chrétienne authentique : la prière, l'Eucharistie, et la réconciliation.

  • la prière : les chrétiens sont appelés à renouveler l'homme intérieur. Rappelons-nous que le Christ nous dit que c'est "dans le coeur" que se joue notre pureté. Nous sommes donc invités à vivre "une relation vivante et personnelle avec le Dieu vivant et vrai. Cette relation est la prière"6.C'est ce lieu où nous laissons "tomber nos masques et retourner notre cœur vers le Seigneur qui nous aime afin de nous remettre à Lui comme une offrande à purifier et à transformer"7 Nous avons déjà cité Jean-Paul II à ce sujet8 :
      La grande tradition mystique de l'Église, en Orient comme en Occident, [...] montre comment la prière peut progresser, comme un véritable dialogue d'amour, au point de rendre la personne humaine totalement possédée par le Bien-Aimé divin, vibrant au contact de l'Esprit, filialement abandonnée dans le cœur du Père. On fait alors l'expérience vivante de la promesse du Christ: « Celui qui m'aime sera aimé de mon Père; moi aussi je l'aimerai, et je me manifesterai à lui » (Jn 14,21).
      Il s'agit d'un chemin totalement soutenu par la grâce, qui requiert toutefois un fort engagement spirituel et qui connaît aussi de douloureuses purifications (la « nuit obscure »), mais qui conduit, sous diverses formes possibles, à la joie indicible vécue par les mystiques comme « union sponsale ».

    Précisons que si nous voulons entendre Dieu nous parler, la meilleure solution est encore de L'écouter et d'accorder de l'attention à sa Parole. La lecture priante de l'Écriture Sainte fait donc pleinement partie de la prière pour entrer en relation avec le Verbe de Dieu. 

    La prière personnelle de chacun des époux est la fondation du couple et la prière conjugale son ciment.

  • l'Eucharistie : en recevant l'Eucharistie, nous vivons dans la foi toute la théologie du corps.Ce sacrement célèbre l'union du Christ et de l'Église, le don parfait du Christ - "voici mon corps livré pour vous" - auquel l'Église répond d'abord "je ne suis pas digne de te recevoir" puis, face à l'incroyable volonté de Dieu de se donner à nous9- "qu'il me soit fait selon ta parole". Saint Éphrem écrit : "celui qui le mange avec foi mange le Feu et l'Esprit"10. Jean-Paul II partage avec nous sa vision11
    Dans l'Eucharistie, nous avons Jésus, nous avons son sacrifice rédempteur, nous avons sa résurrection, nous avons le don de l'Esprit Saint, nous avons l'adoration, l'obéissance et l'amour envers le Père. Si nous négligions l'Eucharistie, comment pourrions-nous porter remède à notre indigence?
  • la réconciliation :au sein du couple, elle est essentielle pour que chacun montre à l'autre qu'il ne le ou la réduit pas à ses imperfections, pour lui montrer sa dignité qui réside dans la valeur virgniale originelle de sa création et son appel à la sainteté dans la rédemption. Elle permet également à chacun de prendre conscience de ses propres imperfections et de réaliser la beauté du don de l'autre : "je ne suis pas digne de te recevoir... mais dis seulement une parole et je serai guéri". 
    Ce pardon doit être fréquent : notons qu'à la messe la phrase qui précède est prononcée... seulement une trentaine de minutes après avoir reçu le pardon de nos péchés. Cette fréquence aide à la formation de notre conscience12.

    Notre dignité et notre salut sont dans le Christ, aussi la réconciliation des époux n'a de sens que si nous demandons à Dieu d'éclairer notre conscience et de restaurer en nous la pureté de nos origines, afin que nous vivions selon le plan parfait tracé par notre Créateur. Le Sacrement de la Réconciliation est précisément le lieu pour cela. S'il peut être dur d'y aller13 (car cela impose de mettre en relation la réalité de nos vies avec une éthique qui nous extérieurs car nous sommes pécheurs) il est essentiel car permet d'ajuster notre coeur (de développer une ethos) au coeur de Dieu.
    Le sacrement de la réconciliation nous permet également de nous laisser regarder par le Christ et de contempler son regard d'amour.C'est dans ce regard que nous trouvons les forces pour mener le combat pour revendiquer notre dignité face à l'adversaire14.

 

L'amour conjugal dans la vie des époux

Une théologie "objectivisite", qui tentait de décrire de l'extérieur la vie conjugale ne pouvait mettre à jour le rôle fondamental de l'amour conjugal dans la vie des époux. C'est pourquoi elle se concentrait sur les finalités du mariage chrétiens, dont la première est la procréation et les secondes sont le secours mutuel et le remède de la concupiscence.

L'avènement de l'amour conjugal dans la théologie du mariage a connu quelques difficultés : certains ont en effet cru pouvoir l'identifier avec le secours mutuel que se doivent les époux. En conséquence, ils l'ont opposé à la procréation comme finalité première du mariage. D'autres, face à cette erreur, se sont radicalement opposés (!) à l'entrée de l'amour dans la théologie du mariage : ceux-là ont eu peur de l'arrivée de la subjectivité dans une théologie objectiviste.

Jean-Paul II réconcilie subjectivité et vérité objective dans sa définition de l'amour. Citant Saint-Paul, il nous dit que l'amour authentique est l'amour qui "trouve sa joie dans ce qui est vrai"15. L'amour n'est pas un simple sentiment : il procède de la Vérité16 ; Dieu est Amour17. L'amour coupé de Dieu n'est pas Amour, c'est une contrefaçon du monde : l'amour authentique est toujours "du Père"18.
Cet amour authentique est il possible ou sommes-nous condamnés à la contrefaçon ? Le Pape insiste toujours sur la réalité effective de la rédemption et sur le fait que nous sommes appelés, et appelés avec force, à la sainteté.

Quel est la place de cet amour authentique dans le mariage ? L'amour conjugal est en quelque sorte le coeur, l'âme du mariage. Ainsi les finalités du mariage sont celles de l'amour conjugal. L'amour conjugal est l'accomplissement du mariage : c'est lui qui permet aux époux de répondre aux exigences du mariage en tant que signe sacramentel. 

L'un des reproches fait à Humanae Vitae est que son rejet de la contraception empêche aux époux d'exprimer leur amour. Jean-Paul II rétorque que la continence temporaire est un bon "test" de l'amour : un couple qui ne peut s'abstenir doit se demander sérieusement s'il n'a pas confondu (peut-être involontairement) l'amour pour sa contrefaçon, la concupiscence.

 

Enjeux spirituels de l'éthique chrétienne

Choisir l'amour authentique comporte un enjeu majeur : comme le montre l'histoire de Tobie et Sarra, cet enjeu est une question de vie et de mort. C'est également un choix de vie, qui exige une permanence. Jean-Paul II implique que l'abstinence périodique, par exemple, n'est pas simplement une technique de "morale temporaire" : elle est sous-tendue par la chasteté, qui est une éthique de vie permanente. 

L'enjeu est de vivre la vertu de tempérance. Comme l'abstinence, celle-ci a mauvaise presse, comme si toutes deux impliquaient une renonciation. Certes, elles impliquent de renoncer à la convoitise et à la tentation de vouloir être le centre de l'univers (ou mieux, que nos pulsions immédiates soient le centre de l'univers). Mais elles sont avant tout un choix positif, le choix d'être capable d'orienter nos réactions instinctives. Il ne s'agit pas de tyranniser nos passions en voulant les empêcher de nous tyranniser, mais de les orienter vers le bien.

Cette vision de la continence va au-delà de la vision de St Thomas, pour qui il s'agit avant tout de la lutte de la volonté contre la pulsion : pour Jean-Paul II il s'agit d'orienter profondément notre coeur pour que même nos pulsions soient orientées vers le bien (ce que St Thomas appelait la vertu). Dans notre histoire des deux évêques, celui qui détourne le regard vit la continence au sens de St Thomas, mais l'autre est réellement vertueux.

Puisqu'il s'agit de faire entrer son coeur dans une disposition nouvelle, Jean-Paul II conseille, de manière très pastorale, de commencer par de petites choses. Après tout, aucun haltérophile n'a commencé en soulevant 200kg du premier coup. Enfin, la continence n'est pas seulement une chose pour laquelle nous devons nous exercer, mais aussi un don pour lequel nous devons prier. Le Catéchisme cite St Augustin19 :

  Je croyais que la continence relevait de mes propres forces, forces que je ne me connaissais pas. Et j’étais assez sot pour ne pas savoir que personne ne peut être continent, si tu ne le lui donnes. Et certes, tu l’aurais donné, si de mon gémissement intérieur, j’avais frappé à tes oreilles et si d’une foi solide, j’avais jeté en toi mon souci

Cet engagement est total : si certains sont prêts à tuer pour satisfaire leur concupiscence, les chrétiens aux doivent être prêts à mourir plutôt que de se détourner de l'Amour vers la convoitise.

Cet engagement total ne peut se faire que si l'attrait de la maîtrise de soi vient de l'émerveillement pour la beauté de la sexualité et non de sa dévalorisation. La pruderie et le rigorisme peuvent ainsi se déguiser en vertu, mais démontrent en fait un manque de vertu, car elles procèdent du manichéisme qui conduit à l'insensibilité à la valeur de l'amour. Le discernement se fait par les fruits : si la continence provient de la chasteté, alors l'union sexuelle et le fait même d'être embrassée, enlacée et caressée par son mari procurera à sa femme une grande joie, du fait de la certitude de l'absence d'égoïsme chez celui-ci.

Les deux formes de désir sont l'excitation et l'émotion. La plupart des hommes éprouveront le désir d'abord sous la forme de la stimulation, de l'excitation tandis que la plupart des femmes l'éprouveront d'abord sous la forme de l'émotion.
Les deux sont bonnes à l'origine, les deux ont leur contrefaçon dans la concupiscence, qui traite l'autre sexe comme un moyen d'obtenir sa propre satisfaction égoïste, les deux sont l'objet de la rédemption. Le désir, dit Wojtyla20, est la matière première de l'amour : il est cependant nuisible de confondre la matière première et le produit fini !
Lorsque le Pape les distingue, ce n'est d'ailleurs pas pour les opposer : c'est l'union des deux langages et leur interpénétration dans l'amour que permet la vertu.

Rappelons-nous que le Pape souligne que "l'antithèse et d'une certaine manière la négation de [...] la liberté se produit lorsque celle-ci devient un prétexte pour 'vivre selon la chair' ". Vouloir se "libérer de la continence", c'est vouloir être libre de la liberté pour choisir librement l'esclavage.

La source et le fruit de cette éthique est la révérence pour le Christ (c'est-à-dire l'émerveillement dont l'image originelle est la joie d'Adam lorsqu'il découvre Ève). Lorsque qu'une femme et son mari s'ouvrent au don de la piété et de la crainte de Dieu, l'Esprit inspire dans leur coeur une sensibilité particulière pour tout ce qui, dans la création, reflète la sagesse et l'amour de Dieu. Ils en viennent à voir - et vénérer - leur corporéité et leur union avec le regard bienveillant de Dieu !! A cette vénération s'ajoute une crainte21 salvifique de porter atteinte à cette beauté.

En s'aimant ainsi, les époux se reconnaissent et s'affirment mutellement. La concupiscence ne bénit pas l'autre "je" comme une personne créée pour elle même ; elle voit l'autre comme un objet. Si notre but est de satisfaire un désir, nous pouvons le faire de nombreuses manière différentes et avec de nombreuses personnes différentes. La personne-objet de concupiscence en vient à réaliser : "tu ne me désire pas", "tu ne m'aime pas moi ". A l'inverse, la personne aimée pour elle-même est en paix, car elle sait qu'elle est aimée pour son être entier et n'a pas peur d'être rejetée : elle peut être nue et dépourvue de honte. C'est pourquoi chaque relation sexuelle compte.

Nous savons consciemment lorsque nous vivons la relation sexuelle dans l'amour authentique ou la convoitise. Si un doute subsiste dans votre esprit, posez vous la question : "est-ce que je veux que l'Esprit Saint soit présent à cet instant précis ?" Si la réponse est non (ou un silence gêné), il y a des chances que vos préliminaires soient une sorte d'anti-épiclèse, comme si le prêtre célébrant l'Eucharistie disait "Que ton Esprit ne vienne pas sur ces dons"... 

 

Enjeux pour le monde

Jean-Paul II en concluant sa réflexion de la Théologie du Corps sur le mariage et la sexualité reconnaît que d'autres thèmes essentiels trouvent leur place dans cette théologie sans avoir pu être abordés (la maladie, l'assistance à la procréation, l'euthanasie, le handicap, la souffrance, la mort etc..). Aux théologiens de demain de se saisir de ces questions d'importance majeures pour notre civilisation.

La question des relations entre la technique et l'éthique, abordée en pointillés avec la question de la contraception, mérite un développement plus profond.

Les controverses récentes à propos de Benoît XVI et du préservatif démontrent qu'une certaine culture de mort veut fuir dans la technique ses responsabilités et la réflexion sur le sens de la vie, en dépit souvent d'une réelle attention au fait scientifique et au prix d'amalgames22.

Rappelons enfin que le rôle de l'Église est de "porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération"23 et qu'

A chaque instant de l'histoire et sous toutes les latitudes,
la dignité et l'équilibre de la vie humaine dépend
de qui elle est pour lui et de qui il est pour elle.

 
 

 

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Car tous ont péché...

La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).

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