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Quand la philo nous ramène du genre au sexe

Quand la philo nous ramène du genre au sexe

Publié par Incarnare le vendredi 28/02/2014 - 11:28 - Corps - Blog

Je cherchais depuis longtemps un ouvrage qui aborde de manière simple mais précise la question du genre, qui en montre l'intérêt mais aussi les limites. Prof de philo, Jeanne Larghero publie, avec "MASCULIN FEMININ - Quand la philosophie se mêle de sexe", un livre providentiel.

Jeanne Larghero commence par montrer le bien-fondé d'études qui s'attachent à réfléchir sur les aspects socio-culturels de la sexualité : de fait, la sexualité humaine ne se réduit pas à la biologie (à l'anatomie ou à la génétique) ; oui, l'attribution arbitraire de compétences ou de fonctions aux hommes et aux femmes en raison de leur sexe est abusive.

Dans un langage très simple, elle suit ensuite rigoureusement et honnêtement1 les tenants du genre dans leur raisonnement, dont elle identifie les failles. Elle offre ensuite des perspectives pour penser la différence sexuelle.

Le genre, concept à courte vue

La philosophe montre ensuite les écueils des idéologues du genre :
- c'est précisément parce qu'ils limitent le sexe à la biologie qu'ils doivent faire émerger le concept de genre pour en évoquer les manifestations extra-biologiques ;
- c'est parce qu'imprégnés de philosophie dualiste2 et constructiviste, ils sont incapables de penser une "nature humaine" différenciée, que le genre leur est nécessaire pour lutter contre l'affectation abusive de rôles aux hommes et aux femmes. 

Jeanne Larghero montre quelques contradictions auxquelles cette philosophie aboutit :  

 Expliquer à un sexe qu'il peut et va faire la même chose que l'autre sexe, c'est admettre la réalité de l'autre... comme autre, et donc le reconnaître dans son identité sexuée.

 Les termes ["homosexuel", "bisexuel", "transsexuel", "hétérosexuel"] sont constitués en référence à une binarité sexuelle. Et cette binarité sexuelle ne peut être pensée que si on admet comme norme la naturalité des sexes... [que le genre récuse, puisqu'ils considère que les identités sont construites] [...]

Faire référence à deux genre sociaux, c'est faire revenir par la fenêtre une norme qu'on avait chassé par la porte.

Faisant ce constat, les tenants du genre sont tentés par le queer qui supprime totalement l'idée de différence sexuelle. Mais celui-ci a comme conséquence immédiate la dissolution de tous les combats (féminisme et reconnaissance de l'homosexualité) qui sont à l'origine même de la diffusion massive de l'idée de genre.

Paradoxalement, le queer signe, en lui-même, le retour avec fracas de la biologie :

 On a renoncé à une réduction du sexe au biologique, au profit du genre. On a renoncé à une réduction du sexe au genre, au profit du queer... Quelle réponse avons-nous trouvé à notre question "qu'est-ce qui fait d'un homme qu'il est un homme ? qu'est-ce qui fait d'une femme qu'il est une femme ? [...]
Nous avons surtout des réponses négatives : ce qui définit une femme, ce n'est pas sa façon se s'habiller, de marcher, ce n'est ni son métier, ni ses fonctions, etc.. [...] Mais alors à celle qui se demande, une fois de plus, "en quoi suis-je une femme ?", que reste-t-il ? Il lui reste ce que les hommes n'ont pas : l'utérus, les seins, la cellulite aux fesses... On en revient à quoi ? Au biologique dont on voulait justement s'éloigner !

Retrouver de la perspective avec une bonne compréhension de l'idée de "nature"

Parler de sexe, c'est parler d'hommes et de femmes. Vivent-ils la même chose ? Sont-ils interchangeables ? Peut-on être "égaux et différents ?". Poser toutes ces questions, c'est interroger la possibilité d'une nature humaine et la place de la différence sexuelle dans celle-ci.

La philosophe montre ainsi que poser la question de la "nature", ce n'est pas se limiter à la biologie : notre nature est également spirituelle. L'idée de nature, d'essence, de caractéristiques stables n'exclut pas qu'il y ait des exceptions, des accidents, qui ne se comprennent d'aillleurs que par rapport à celle-ci. Jeanne Larghero réfléchit donc au statut de la norme, qui ne s'identifie pas à la majorité ("on n'a beau ne voir dans un hôpital que des malades, cela n'inverse pas la définition de la santé") et à laquelle il ne faut pas attacher trop vite de dimension morale.

Si elle ne résument pas toute notre nature, la biologie, l'anatomie en sont pourtant parties prenantes. Elles induisent des différences essentielles entre homme et femme : rapport au temps, perception du désir plus ou moins aisée, etc. qui ont des conséquences sur le coeur de l'homme et de la femme. L'auteur analyse ainsi deux qualités, la force et la beauté, montrant que c'est l'appauvrissement de ces deux qualités (la force étant réduite à la puissance musculaire, la beauté aux mensurations) qui rend insupportable leur attribution préférentielle à l'un ou l'autre sexe.

A l'aide de la Genèse, Jeanne Larghero, à la suite de Jean-Paul II, propose une vision rendant justice à la dignité de notre nature mais aussi de ses blessures, qu'elle constate au quotidien dans la vie de ses élèves lycéens.

 

Pour aller plus loin, lisez :

  • 1. Elle les fait (provisoirement) siennes au point qu'on se demande à un moment si elle n'y adhère pas !
  • 2. qui sépare le corps de l'esprit, et donc ne reconnaît pas l'unité de la "personne", dotée d'une nature à la fois charnelle et spirituelle

 
 

 

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