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Car tous ont péché...

Car tous ont péché...

La presse se fait l'écho d'un livre du journaliste Ekke Overbeek indiquant que Karol Wojtyła, futur Pape Jean-Paul II (et aujourd'hui Saint Jean-Paul II) aurait avant son élection pontificale, en tant qu'archevêque de Cracovie, eu connaissance de témoignages de faits de pédo-criminalité (la presse ne relaie ni le nombre ni la nature des faits) et n'aurait pas apporté la réponse appropriée (à savoir le signalement des faits aux autorités civiles et le déclenchement d'une enquête canonique aboutissant au renvoi à l'état laïc des malfaiteurs).

Des faits objectivement graves

Les faits sont objectivement graves ; même si la société et l'Eglise ont attendu le début du 21e siècle pour en discerner la gravité. Des "biens" moins élevés (par exemple, le confort d'une confiance béate dans l'institution comme support de la foi des foules) ont été, à tort, privilégiés par rapport à la vérité et à la vie de personnes. Un Karol Wojtyła qui aurait vécu au 21e siècle, écrivant en son temps que l'amour qui préfère le bien de l'autre au sien propre est "la seule attitude appropriée et valable face à une personne", n'aurait sans doute pas dit le contraire.

Vérité en 1970, erreur au-delà ? Quand on entend les maîtres de morale actuelle, on pourrait le croire. Lisant (peut-être à contresens) les réflexions de Xavier Thévenot, certains voudraient nier la réalité objective du bien et du mal pour une conception essentiellement progressiste de l'histoire. Tabula rasa de la tradition qui permet à chacun de pousser son propre agenda politique et moral. Il suffit de lire sur Twitter un certains nombre de réactions à l'article de presse pour voir que leurs auteurs sont plus préoccupés de passer par pertes et profits tout le pontificat de Jean-Paul II (vous savez, ces encycliques un peu gênantes sur l'avortement, ou cet enseignement difficile de la Théologie du Corps) que du bien-être des victimes.

Qualifier les faits ou juger les personnes ?

Qualifier les faits d'objectivement graves, pointer un défaut de jugement n'est pas condamner la personne. En effet, ces révélations adviennent précisément le jour où la liturgie nous donne à lire "Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés.". Qu'est-ce à dire ?

Nous pouvons en 2023, et uniquement dans une certaine mesure, connaître quelques éléments dont Karol Wojtyła a pu avoir connaissance. Sans recul, ces éléments portent, en particulier ceux qui en sont toujours à s'acheter une conscience morale à bas coût, à condamner. Mais un travail supplémentaire donne aussi un contexte qui, sans déterminer complètement le jugement de conscience qu'a pu porter Karol Wojtyła, l'influençait forcément :

  • la conscience de ce mal objectif (et de la contribution à ce mal de façon systémique par le silence) qu'est la pédocriminalité était très imparfaite (faut-il rappeler qu'à cette même époque, nos grands penseurs faisaient des tribunes dans Libé pour en réclamer la légalisation ??) ;
  • le contexte d'occupation soviétique de la Pologne n'était pas de nature à espérer une intervention juste du pouvoir civil (ni de lui reconnaître une quelconque légitimité). Les accusations de manquements divers à la morale faisaient d'ailleurs partie du panel de mesures de rétorsion communistes.
  • ...

Enfin, ce qui nous interdit plus fondamentalement de juger autrui, c'est que nous n'avons pas connaissance de son for interne, que Dieu seul connaît. La matière est grave, mais l'imputabilité demeure connue de Lui seul. La canonisation ne prétend pas d'ailleurs pas faire office de jugement divin ni ériger sur les autels des demi-dieux. Elle invite à considérer la manière dont une personne (qui a vécu 40 ans après les faits cités) a tenté de vivre une vie chrétienne et à sa manière, tenté d'imiter la personne du Christ.

Haro sur le prélat, au risque d'en oublier le caractère systémique

Dans leur précipitation pour balayer le pontificat de Jean-Paul II, certains en oublient le caractère systémique mis en exergue par la CIASE, que rappelle fort justement Bernard Lecomte "À l’époque tous les évêques faisaient ainsi". On peut constater que Karol Wojtyła n'a pas eu à l'époque les ressources nécessaires pour faire mieux.

L'article pré-cité rappelle fort justement qu'il a fallu le concours du cardinal Ratzinger pour permettre cette prise de conscience et amorcer un début de changement que ce dernier, à son tour Pape, a pu déployer plus largement et qui reste encore à déployer dans de nombreuses dimensions de la vie ecclésiale.

Plutôt que juger les morts, demandons-nous donc ce qui, aujourd'hui encore, fait système et ne permet pas prévenir la pédocriminalité. Et travaillons, en prenant en compte les apports - mais aussi les aveuglements - de la modernité et ceux de la Tradition, à nous rapprocher de la vérité objective du Bien divin en cherchant plus à être nous-mêmes dans l'imitation de Jésus-Christ que dans la promotion d'une idéologie. C'est à cette condition que nous pourrons être le sel de la terre.

Voici en effet ce qui est écrit : Il n’y a pas un juste, pas même un seul [...] tous les hommes ont péché, ils sont privés de la gloire de Dieu, et lui, gratuitement, les fait devenir justes par sa grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. (Rm 3, 10;23-24)

 

 
 

 

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